Lancé en 2003 comme évolution d’un précédent système de gestion de contenu, WordPress est aujourd’hui utilisé par près d’un tiers des sites dans le monde. Il y a de bonnes raisons à ce succès. WordPress est un système efficace, d’utilisation aisée même pour un responsable de site sans connaissances techniques. WordPress n’a cessé de s’améliorer. D’innombrables plugins et widgets ont vu le jour, permettant de réaliser pratiquement n’importe quel projet. WordPress évolue de façon souple, en intégrant ce qui existe déjà. Mais, à l’enseigne d’un projet baptisé du nom du créateur de l’imprimerie en Europe, le système d’édition de WordPress connaîtra dans un avenir proche une évolution majeure. En principe, j’accueillerais celle-ci avec enthousiasme, puisque l’objectif est de rendre l’utilisation plus simple et intuitive. Pourtant, comme nombre d’autres utilisateurs, je suis incertain quant aux conséquences de la mise en œuvre de ce projet.
Si j’avais rédigé cet article à la fin de l’année 2017, son ton aurait été catastrophiste. J’avais lu plusieurs évaluations critiques de Gutenberg, je m’étais frotté à ce système d’édition sur un site test, et mes expériences étaient pour le moins mitigées. Au cours des derniers mois, j’ai poursuivi mes tests et continué à me documenter. Mes préoccupations pour certains contenus persistent, mais je vois aussi les aspects positifs du projet Gutenberg, qui va d’ailleurs bien plus loin que la réforme du système d’édition de WordPress, qui en marque la première étape.
Pour comprendre mon approche du sujet et mes évaluations, il faut commencer par les mettre en contexte, en racontant brièvement comment j’en suis arrivé à choisir WordPress.
Pourquoi et comment j’ai adopté WordPress
Quand j’ai lancé en 2002 mes premiers sites à contenu éditorial régulièrement enrichi, j’utilisais Dreamweaver (version 4, puis MX 2004) pour créer les pages du site. Rapidement, je compris les limites de cette solution et je me dirigeai vers un système de gestion de contenu (content management system, CMS). Dès 2003, je commençai à utiliser l’outil Article Manager d’InteractiveTools, qui bénéficiait d’un support efficace et d’une communauté assez active d’utilisateurs : le forum était très fréquenté et permettait d’obtenir des réponses à la plupart des questions. Le contenu créé s’intégrait aisément avec un code simple dans n’importe quel modèle de page. Il y avait des contraintes pour le bon rendu d’articles avec des caractères accentués, mais le recours à un CMS représenta pour moi un grand pas dans mon labeur de gestion de sites. J’ai utilisé la version sans base de données d’Article Manager jusqu’en 2016 pour trois sites. Il y eut une version 2 d’Article Manager, dont j’achetai une licence, mais sans jamais faire le pas de la conversion, notamment en raison des modifications d’URL que cela aurait impliqué (passage à un système utilisant des bases de données). Aujourd’hui, le successeur d’Article Manager se nomme CMS Builder.
À l’époque où je fis ces choix qui orientèrent mes sites durant plus de dix ans, WordPress n’était pas encore une option. Mais j’en entendais de plus en plus parler, et je voyais des hébergeurs le mettre en avant. En 2010, je décidai de tester WordPress en créant le blogue Orbis.info. J’appréciai rapidement les avantages de WordPress par rapport au CMS utilisé jusqu’à ce moment. Les sites que j’avais créés avec celui-ci commençaient à dater. En outre, ils ne pouvaient s’adapter aux écrans plus petits d’appareils mobiles.
À la fin de l’année 2015, j’envisageai de plus en plus sérieusement à migrer mes sites vers WordPress, tout en prêtant attention à d’autres CMS fondé sur des logiques différentes : mais aucun ne présentait les garanties de WordPress en termes de durée (vu le nombre très important d’utilisateurs de ce dernier).
Ce qui me décida à faire le pas fut la découverte d’un hébergeur français spécialisé pour les sites WordPress, l’excellent et efficace WP Serveur, que je recommande chaleureusement : pas seulement parce que c’est un hébergeur francophone et animé par des passionnés de WordPress, mais aussi parce que le support est vraiment ce que j’ai rencontré de mieux dans le domaine de l’hébergement. C’est un peu plus cher qu’un hébergement courant, mais la différence de prix est justifiée — et si l’on a plusieurs sites, les tarifs dégressifs permettent d’arriver à une facture très raisonnable au regard des avantages offerts.
Sur les conseils de cet hébergeur, j’ai trouvé un excellent service (mais uniquement anglophone) de sauvegardes externes restaurables (et maintenant aussi de mise à jour des plugins), l’entreprise indienne BlogVault : même en espérant que cela n’arrive pas, il faut toujours être prêt au pire, d’autant plus que WordPress est un système aussi très visé par les attaques. BlogVault fonctionne très bien et permet au responsable d’un site de dormir plus tranquille (d’autant plus qu’il y a aussi les sauvegardes de l’hébergeur, restaurables en un clic). Le service est de plus très utile pour migrer un site d’un hébergeur à un autre, si besoin est, même en changeant de nom de domaine.
En 2016 et 2017, j’ai donc fait passer à un environnement WordPress la majorité des sites dont je m’occupe. Cela a demandé un gros effort (des mois de travail et un certain nombre de nuits presque blanches, sans parler des coûts d’aide externe pour certains aspects techniques). Mais je suis ravi d’avoir choisi cette voie.
L’irruption de Gutenberg dans le monde de WordPress
Pourtant, depuis la fin de l’année 2017, un nuage passe sur ce bilan idyllique, m’amenant parfois même à me demander si j’ai vraiment fait le bon choix. Ce nuage est l’annonce de l’arrivée prochaine de la version 5 de WordPress, appelée Gutenberg, qui transformera en profondeur WordPress. Gutenberg était d’abord attendu pour avril 2018, mais cela a pris du retard, en raison des nombreux défis à résoudre. Il semble cependant certain, sauf gros imprévu, que le passage se fera cette année encore. Gutenberg peut déjà être testé, même s’il est fortement déconseillé de le faire sur des sites en production.
Parmi les passionnés de WordPress, le projet Gutenberg déchaîne les passions. Il y a les enthousiastes qui saluent dans Gutenberg l’avenir de WordPress. Il y a les sceptiques, qui adjurent les responsables du développement de WordPress de ne pas intégrer Gutenberg dans le cœur du système, mais d’en faire simplement un plugin, une option pour ceux qui désireraient un mode d’édition différent. Les responsables de WordPress sont cependant déterminés à aller de l’avant. Les avis sur le plugin exprimés à travers les notes qui lui sont données sur WordPress illustrent bien ces profondes divergences dans la communauté WordPress.
Explorons Gutenberg…
Dès le mois de décembre 2017, j’ai créé un site test pour essayer Gutenberg. J’ai régulièrement renouvelé mes expériences au fil des versions du plugin. Je me suis plus d’une fois inquiété ou irrité. Pour certains de mes sites, le passage à Gutenberg, une fois résolus certains problèmes de jeunesse, ne posera pas de problème particulier : le présent site Explorator, par exemple, devrait s’adapter sans trop de peine à une édition dans l’environnement Gutenberg, même si j’attendrai sans doute les premières mises à jour de la version 5. Pour d’autres sites, en revanche, les perspectives sont moins encourageantes dans l’immédiat.
Commençons par les aspects positifs. Pour celui qui serait novice sur WordPress et, une fois disponible la version 5, souhaiterait créer un site avec cet outil, Gutenberg se présentera sous une forme assez attrayante, du moins tant qu’il s’agira de créer des sites simples, par exemple un blogue autour de textes relativement courts et d’images.
Quels sont ces avantages de Gutenberg ? D’abord, c’est la modernisation de l’environnement d’édition de WordPress : plus clair, plus léger, donc moins intimidant pour un nouvel utilisateur, même s’il y a toujours le travail initial de familiarisation pour comprendre où aller chercher des fonctions spécifiques ; pour plusieurs éléments centraux, l’accessibilité me semble cependant améliorée. Du point de vue de l’apparence, Gutenberg est assez réussi, avec peu de distractions. Celles et ceux d’entre vous qui ont l’habitude de travailler avec les versions actuelles de WordPress verront tout de suite la différence : pour ma part, les versions actuelles me conviennent bien et ne me posent aucun problème, mais je reconnais plusieurs améliorations visuelles apportées par la nouvelle présentation.
La capture d’écran ci-dessus montre le panneau de gestion pour le document entier (à droite), mais, comme on le voit, il y a également un panneau de gestion pour le paragraphe (« bloc », nous y reviendrons). Celui-ci est d’utilisation aisée. Par exemple, pour un paragraphe initial, un simple clic permet de faire apparaître la première lettre comme une élégante lettrine. Ou, si l’on souhaite modifier la couleur du texte d’un paragraphe, rien de plus simple. Il en va de même pour la couleur d’arrière-plan d’un paragraphe.
Il est facile de faire disparaître ou réapparaître le panneau Document / Bloc (en cliquant sur la route dentée). L’enregistrement de l’article et sa publication sont également des processus simples et clairs. Quant à la barre d’outils, il est possible de la faire apparaître au sommet d’un paragraphe sur lequel on travaille ou au sommet de la page.
Cette barre d’outil permet aussi de procéder sans la moindre difficulté à des opérations d’insertion non seulement d’images, mais aussi d’une vidéo repérée sur YouTube ou d’un fil Twitter, simplement en indiquant l’URL d’origine.
Voyez par exemple ci-dessous comment j’entre l’adresse d’un fil Twitter.
Ensuite, je puis voir les premiers tweets et charger les suivants à volonté.
Comme on le voit, l’intégration est bien pensée. Pour l’instant, elle ne s’étend cependant pas aux PDF, mais il suffit d’utiliser la version gratuite ou payante d’un plugin tel que PDF Embedder pour intégrer facilement un document PDF sur une page.
Une intégration pas satisfaisante à ce stade est celle d’images dans un paragraphe où cette illustration doit cohabiter avec le texte (à droite ou à gauche du texte). C’est possible de le faire, mais l’opération n’est pas du tout commode. Je pense (j’espère, en tout cas!) que cela va être rapidement amélioré. Si ce n’était pas le cas, ce serait un déficit majeur du nouvel éditeur.
En revanche, aucun problème pour intégrer une image entre deux paragraphes, cela s’harmonise avec la logique de Gutenberg, et l’insertion d’une légende sous l’image dans l’espace d’édition est également devenue plus simple.
Si vous avez l’habitude de WordPress dans sa version pré-Gutenberg, vous me rétorquerez que l’insertion d’une image à partir de la bibliothèque Médias est pourtant une opération très simple dans WordPress, avec le placement à droite ou à gauche du texte. Votre remarque pertinente nous conduit au cœur du problème, du moins tel qu’il se pose à moi pour utiliser Gutenberg sur mes sites : ce problème est celui de la logique des blocs, sur laquelle est construite l’édition selon Gutenberg.
Chaque élément devient un bloc
La capture d’écran ci-dessous (avec la barre d’outils) au sommet du paragraphe sur lequel l’éditeur du texte travaille) illustre bien la façon dont fonctionne Gutenberg : chaque paragraphe, chaque titre, chaque sous-titre, chaque image, chaque élément se trouve traité comme un bloc indépendant, à la différence du fonctionnement actuel de l’éditeur WordPress, qui traite le document entier, composé d’éléments disparates. Chaque fois que vous cliquez sur la touche « retour », vous créez non seulement un nouveau paragraphe, mais un nouveau bloc.
Si votre site WordPress a un contenu simplement formé de quelques paragraphes courts, avec des photographies, vidéos ou autres éléments intercalés, la logique des blocs vous conviendra sans doute très bien, ou en tout cas ne vous dérangera pas. Elle vous permettra aisément de déplacer un « bloc » contenant une illustration à un autre emplacement de l’article, par exemple.
En revanche, si vous avez un contenu plus long, par exemple l’équivalent d’articles de plusieurs pages, comme cela m’arrive parfois sur mes sites, la logique du bloc devient moins séduisante.
Le cas extrême est celui d’articles longs, avec des notes infrapaginales (ou plutôt des notes de fin, dans le cas d’une publication sur WordPress). Oui, je sais, ce n’est pas le genre d’articles que produisent la plupart des gens. Cependant, sur trois des sites dont je m’occupe, un certain nombre d’articles ont été créé avec des notes — ou, ces deux dernières années, importés avec leurs notes à partir de documents Word, grâce au remarquable plugin Mammoth .docx converter. Dans l’état actuel, la logique des blocs et les notes ne s’harmonisent pas, puisqu’il faudrait que les blocs communiquent entre eux pour que les trajets aller-retour entre appels de note et notes s’effectuent correctement.
Vous voudrez toujours lire mes articles dans trente ans, n’est-ce pas ?
Ce n’est qu’un petit exemple des problèmes rencontrés par l’utilisateur de Gutenberg. Mais il soulève, plus largement, la question de savoir ce qui se passera — si l’on adopte Gutenberg — avec des articles créés avant Gutenberg et contenant des éléments incompatibles avec Gutenberg. C’est la pérennité d’un site WordPress pré-Gutenberg qui est en jeu. Une considération qui m’avait convaincu d’adopter WordPress était la certitude que ce que le site d’aujourd’hui pourrait suivre des évolutions préservant toujours le legs du passé et que le contenu mis en ligne aujourd’hui serait encore accessible dans dix ou vingt ans, tout en suivant l’évolution de WordPress. Aujourd’hui, je n’en suis plus aussi sûr. Et je suis d’autant plus inquiet que je sais combien les gens qui travaillent dans ces domaines s’intéressent plus souvent à l’avenir qu’à la pérennisation du passé. Il suffit de songer à ces documents écrits il y a quinze ou vingt ans avec des traitements de texte alors courants et qu’il devient difficile d’ouvrir aujourd’hui…
Bien entendu, les développeurs qui travaillent à mettre au point Gutenberg ne sont pas des vandales : les articles déjà existants seront importés comme des « blocs classiques », c’est-à-dire que l’article entier se présentera comme un bloc unique, exactement comme il l’est aujourd’hui. Il reste à voir s’il le sera dans la très longue durée, au fil des évolutions futures. En principe, cela devrait être le cas : mais nous vivons dans un monde où les choses changent si vite…
Il y aura toujours l’option de choisir d’écrire un texte en choisissant l’éditeur classique au lieu de Gutenberg. Cette option sera-t-elle maintenue longtemps ? C’est une autre histoire. En lisant les réponses des animateurs du projet Gutenberg aux correspondants inquiets, ils se veulent rassurants, mais on sent bien qu’ils perçoivent plutôt le maintien de l’éditeur classique comme une possibilité laissée pour une période d’adaptation que comme une perspective d’avenir. En fait, de mon point de vue d’utilisateur, tout dépendra ici de la capacité qu’aura Gutenberg d’intégrer à long terme des articles conçus sans Gutenberg et incluant des particularités telles que des appels de note. Ce n’est pas impossible que l’évolution le permette, mais seul l’avenir le dira. La taille de la communauté WordPress et la variété des besoins des utilisateurs devraient permettre de voir émerger des solutions.
Il n’est pas interdit de préférer l’éditeur classique
Vous l’aurez compris, je ne suis nullement rétif au changement, mais je veux pouvoir en évaluer les conséquences et non me lancer tête baissée. Et je n’utilise pas seulement WordPress pour des blogues simples (un usage pour lequel je comprends que l’éditeur Gutenberg puisse être séduisant).
Dans l’immédiat, sur mes sites cruciaux, c’est-à-dire avant tout ceux qui contiennent des articles avec des notes, j’ai déjà téléchargé un petit plugin du développeur Jeff Star, Disable Gutenberg. Celui-ci peut en effet être non seulement installé, mais activé dès maintenant, assure Jeff Star. Et cette solution semble plus raisonnable que de refuser, le moment venu, de passer à la version 5 de WordPress. Pour les utilisateurs de WordPress préférant configurer cela eux-mêmes que passer par un plugin, Jeff Star a publié un petit guide en ligne (en anglais).
Les développeurs de Gutenberg eux-mêmes ont mis au point un plugin Classic Editor, qui permet dans Réglages > Écriture soit de supprimer complètement l’éditeur Gutenberg pour conserver l’éditeur classique, soit de laisser le choix d’ouvrir un article dans l’un ou l’autre système d’édition.
Comme vous le devinez, si un développeur expérimenté tel que Jeff Starr des réserves sur Gutenberg, ce n’est pas à cause de la question que j’ai soulevée des notes en fin de texte : mais il n’est pas pressé d’adopter Gutenberg à la fois parce qu’il n’y voit pas une amélioration de l’expérience d’écriture de WordPress et parce que les test réalisés jusqu’à maintenant lui ont montré que les conséquences de Gutenberg sont trop imprévisibles. Cela va bien plus loin que l’expérience d’écriture.
Comme le remarque Iain Poulson (10 janvier 2018), Gutenberg représente clairement une réaction à ces « concurrents » de WordPress que sont Squarespace ou Wix. Pour moi, ce sont surtout des outils différents, mais ils sont en effet concurrents par rapport à WordPress.com, c’est-à-dire ces sites hébergés par WordPress et qui constituent l’une des principales sources de revenu d’Automattic, note Poulson. Le projet Gutenberg entraîne cependant l’ensemble de WordPress dans une autre direction que celle suivie jusqu’à maintenant et, tout en étant positif sur Gutenberg en soi, Poulson dit n’être pas certain qu’il faille en faire le cœur de WordPress, ou en tout cas pas de façon aussi rapide que prévu. Poulson est inquiet des problèmes que l’évolution vers Gutenberg vaudra à de nombreux sites : tous ne réussiront pas à s’adapter, prédit-il. Gutenberg est plus qu’un nouveau système d’édition, c’est un changement de paradigme.
Dans ses réflexions sur Gutenberg publiées le 11 décembre 2017 (en anglais) sur Gutenberg, l’avenir de WordPress et les conditions du succès, Morten Rand-Hendriksen écrit que, même si les développeurs de thèmes et plugins et les utilisateurs de WordPress trouvent le temps de se préparer adéquatement, il restera une quantité de sites qui auront du mal à franchir ce pas, pour différentes raisons, et des configurations particulières qui ne fonctionneront plus. Il se demande si la solution ne serait pas un embranchement (forking), c’est-à-dire qu’il y aurait une version de WordPress continuant sur la lancée actuelle et une autre qui pourrait évoluer vers un nouveau modèle, sans avoir à assumer le poids de la rétrocompatibilité ? Mais cela diviserait la communauté WordPress et exigerait un gros travail supplémentaire. En sens inverse, si cela ne se fait pas de façon ordonnée, les transformations de WordPress ouvrent potentiellement la voie à des projets séparés de gestion de contenu à partir de l’outil actuel. Il n’est pas impossible que cela se produise, en effet, mais il reste à voir si de telles initiatives seraient durables et convaincantes. Mais le fait même que la question soit soulevée montre les interrogations que soulève le projet Gutenberg.
Je ne veux pas entrer dans les détails : ces quelques citations d’auteurs techniquement qualifiés dans le domaine de WordPress (ce qui n’est pas mon cas) montrent que mes préoccupations ne sont pas seulement le fruit de mon imagination ou d’une réticence à changer ce que j’ai récemment appris en migrant vers le monde de WordPress. Comme d’autres auteurs que j’ai cités, j’aurais préféré voir l’éditeur Gutenberg rester une option plutôt que de le retrouver au cœur de WordPress.
Des lendemains qui chanteront ?
Gutenberg est un projet ambitieux et de longue haleine, plus loin que les aspects « de surface » relevés dans cet article (même si ce sont ceux-ci qui nous touchent d’abord en tant qu’utilisateurs « de base »). Il s’agit de faire évoluer un outil de gestion de contenu qui a dépassé les rêves les plus fous de ses fondateurs, et qui a accumulé des strates d’ajouts et d’évolutions. Après l’éditeur, l’objectif du projet Gutenberg est de poursuivre avec les thèmes, puis l’ensemble de l’adaptation des sites. Autour du concept de bloc, c’est tout la façon de créer du contenu WordPress qui se trouve appelée à changer, devenant une sorte de grand jeu de construction. Alors que s’entrouvrent ces perspectives, je me félicite en tout cas d’avoir choisi pour mes sites les thèmes solides et professionnels de Studio Press (Genesis Framework), car je suis certain qu’un suivi sera assuré.
Je suis volontiers prêt à accepter le raisonnement de Jeff Chandler (26 mars 2018) sur la nécessité d’innover de façon décisive pour WordPress. L’innovation en elle-même ne me dérange pas, et j’en ai d’ailleurs souligné plusieurs aspects positifs : ce qui me préoccupe, ce sont des conséquences possibles de ces innovations en termes de continuité et de pérennité. Disons que, par rapport à ceux qui ont les yeux fixés vers l’avenir, les miens regardent à la fois l’avenir et le passé — en me préoccupant de savoir ce que cela signifie quant aux solutions les plus judicieuses à choisir pour le présent…
Jean-François dit
Merci pour vos remarques. Comme vous le devinez, je les partage en bonne partie.
Mon approche varie selon les sites. Pour certains types de sites, WP Gutenberg peut convenir. J’ai donc fait passer quelques-uns de mes sites vers Gutenberg, en y maintzenant le Classic Editor, mais en étant prêt à utiliser Gutenberg pour ces sites à une étape ultérieure. Pour d’autres sites, en revanche, je continue à me méfier de Gutenberg, et donc à les maintenir en version 4.9.13, tout en sachant que cette option ne sera plus tenable le jour où les mises à jour de sécurité ne seront plus fournies (en outre, il y a déjà certains plugins qui ne fonctionnent plus pour les version de WP pré-Gutenberg).
Si l’on est passé en version 5, il reste à voir si WP mettra réellement un terme à Classic Editor en 2021 ou le prolongera. Mais il ne restera probablement pas disponible dans la longue durée. Peut-être un développeur proposera-t-il un plugin susceptible d’en prendre la place, pour autant que ce soit techniquement réaliste : la communauté WP est vaste.
Pour l’instant, une solution pour répondre à votre légitime souci serait ClassicPress, auquel j’ai consacré en décembre 2018 un article que vous avez peut-être lu : https://www.explorator.info/2018/12/p_le-pari-de-classicpress/
ClassicPress va dans la bonne direction. Cependant, toute la question est de savoir combien de plugins WP fonctionneront avec ClassicPress dans quelques années (peu de développeurs sont prêts à maintenir en parallèle leurs plugins pour une autre plateforme que WP), et quels plugins développés pour ClassicPress pourront en prendre la place.
Pour l’instant, il y a une petite communauté ClassicPress active et motivée, comme vous le verrez en visitant leur forum : https://forums.classicpress.net. ClassicPress me donne satisfaction sur les quelques sites où je l’ai installé en remplacement de WP. J’attends avec intérêt de voir quelles vont être les évolutions de ClassicPress. Le vrai défi est pour ClassicPress est de réussir à attirer une masse critique suffisante d’utilisateurs.
Bonne chance pour vos projets - et pour choisir les bonnes solutions !
Jeff dit
Merci pour ce travail exemplaire qui me conforte dans mes impressions. Je viens de migrer un site SPIP à fort contenu texte sur WordPress 5.4 en pensant que le WordPress que j’avais connu s’était bonifié avec le temps… Misère, cet environnement n’est absolument pas prévu pour l’écriture, ce projet Gutenberg porte décidément très mal son nom. Je regrette d’avoir conseillé à mon ami cette migration, c’est une faute impardonnable que de croire que tout s’arrange et se beautify avec le temps. Comme vous, j’ai repéré tout de suite le plug-in Mammoth, qui permet d’importer des fichiers Word avec des notes de bas de page, mais c’est une tannée lorsqu’il s’agit de modifier le texte et/ou d’ajouter des post-scriptum de plusieurs pages après publication. Le plug-in Classic Editor permet d’y remédier en partie, mais pour combien de temps encore, il est maintenu jusqu’en 2021, c’est-à-dire demain. Tout ceci ne présage rien de bon pour l’avenir et la pérennité de nos documents.
Cependant, cette évolution de WordPress ne me surprend pas, elle émane d’une génération Lego MineCraft qui se retrouve à tous les niveaux de la vie et avec laquelle il faut désormais apprendre à vivre.
J’espère sincèrement qu’un fork se dessine à l’horizon, parce que cet éditeur est une calamité pour ceux qui ont des choses à écrire.
Je vois que votre texte date d’il y a deux ans, auriez-vous quelques remontées issues de votre longue expérience, des solutions « miracles » à proposer ?